Bienvenue au cœur du conditionnement du café Kawa Kabuya

Bienvenue au cœur du conditionnement du café Kawa Kabuya

10/07/2017
Merveille Saliboko
Merveille Saliboko
Communications Officer & Journalist in DR Congo

Comment se fait le conditionnement du café produit par la coopérative Kawa Kabuya avant son exportation ? Trois années successives, cette coopérative a remporté le concours « Taste of Harvest » organisé par l’African Fine Coffees Association. Usinage, triage, bulcage, ensachage, gerbage… Voici le processus suivi par le meilleur café arabica congolais de spécialité après usinage.

Lundi 26 juin 2017. Ivan Godfroid, le directeur régional de VECO RDCongo, Lydie Masika Kasonia, ayant en charge l’accompagnement de proximité de la coopérative Kawa Kabuya chez VECO RDCongo, et moi nous nous rendons à l’usine afin de documenter visuellement la préparation du conteneur de Kawa Kabuya destiné à Colruyt Group. Egalement dans la délégation, deux stagiaires au service communication de VECO RDCongo, étudiants à l’institut supérieur Emmanuel D’Alzon de Butembo, ISEAB : Serge Muyisa Kahavo et Richard Muhindo Taghembwa. Usine CAFEKIT, commune Bulengera en ville de Butembo, province du Nord-Kivu dans l’Est de la République démocratique du Congo. À l’usine, Shakes Muyisa Sivasingana, le directeur-gérant de la coopérative Kawa Kabuya, nous attend.

Avant d’entrer dans la salle dédiée à la coopérative, une inscription au portail nous accueille : « Enlevez vos souliers avant d’entrer dans la salle de triage du café ‘Kawa Kabuya’. Assurez-vous d’avoir bien lavé vos mains avant de toucher le café de qualité ‘Kawa Kabuya’ ». La note est signée du responsable de l’usinage de la coopérative. Détournant mes yeux de cette «prévention», je balaye du regard la vaste salle : une soixantaine de personnes s’affairent ici. Vanner, trier : le travail se fait au rythme des chants folkloriques. Le responsable du lieu s’empresse de vite éclairer ma lanterne : « Il y a ici 12 filles-mères, 23 filles célibataires et 23 femmes mariées pour faire le triage du café ».

Bulcage et ensachage au rythme du folklore

« Karibu wageni » (« bienvenus les visiteurs ! »), chantent en chœur les trieuses quand nous mettons les pieds, déchaussés, dans la salle. On amène une bâche pour la placer dans un endroit spécialement aménagé. Le café déjà trié est déversé dessus. Ecarquillant les yeux, Serge Kahavo et Richard Taghembwa, les deux stagiaires, se tournent vers moi : « C’est quoi cette étape ? ». Le temps de poser la question à Lydie Kasonia, la princesse du café, une vingtaine de bras vigoureux d’hommes et femmes ont déjà saisi les bèches et se mettent au travail. « C’est le bulcage, me dit Lydie. Cette étape sert à faire l’homogénéisation du café de toutes les micro-stations de lavage avant ensachage et chargement ». Le bulcage se fait aussi au rythme des chants : « Kawa Kabuya kabayira na basungu » (Kawa Kabuya, le café des noirs et des blancs).

Le bulcage fini, place à l’ensachage du café. Au rythme de « omusungu wethu syalithasima » (notre blanc n’a pas encore dit merci). Message folklorique décidemment adressé à Ivan Godfroid, le seul « muzungu » en ce lieu. Finissant de prendre les photos et vidéos nécessaires, Ivan joue le jeu : « Mwasingya ! » (Merci !). S’ensuivent des applaudissements nourris de la part des trieuses, visiblement étonnées d’entendre le directeur régional de VECO s’exprimer en kinande (langue locale). Et un autre chant folklorique : « Amavisima ! » (Il vient de dire merci).

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Une semaine plus tard, nous revoici à l’usine. Ce lundi 3 juillet 2017, notre équipe s’est rétrécie : Lydie Kasonia et les deux stagiaires ne sont pas de la partie. Le paysage semble avoir connu des modifications. S’y imbrique un camion-remorque. Il est bientôt 13 heures. Dehors, le conteneur du « lorry » s’ouvre. La fine pluie ayant arrosé la ville vient de cesser.

Au coin droit de l’entrepôt, 320 sacs sont prêts au chargement. Dans un autre coin près du portail d’entrée, un petit emplacement aménagé sert de bureau. Le marquage des sacs va bientôt avoir lieu. Le directeur-gérant de la coopérative donne les dernières consignes. A ce moment, le directeur régional de VECO RDCongo installe sa caméra pour immortaliser ce moment qu’est le chargement du café. « Va-t-on marquer le sac supplémentaire ? », demande Shakes Muyisa, le directeur-gérant de Kawa Kabuya, à Ivan Godfroid, le directeur régional de VECO RDCongo. Réponse : « Marquez-le différemment en y cousant un bout de tissu d’une autre couleur ».

La file de 17 manutentionnaires se forme. Un premier sac entre dans le conteneur, un deuxième sac, … Le représentant de l’office congolais de contrôle, OCC, conseille d’éviter toute présence d’eau dans le conteneur. « Il en va de la qualité du café », rappelle Muhindo Tsongo, chef de bureau exportation à l’OCC-Butembo. 320 sacs quittent l’étape du gerbage pour celle du chargement. A propos du gerbage, le directeur-gérant de la coopérative de se plaindre : « Le propriétaire de l’entrepôt nous demande de payer 15 dollars pour le gerbage, alors que nous payons déjà la location». Etonnement de l’agent de l’OCC : « C’est anormal ! »

Marquage

Au gerbage, chaque sac est déjà marqué : « Arabica Coffee. K3. Fully washed. Coopérative Kawa Kabuya ». A son arrivée dans le conteneur, le sac reçoit sa dernière marque : « 0006. 342 ». Le lot est donc prêt à être expédié. Ces inscriptions codées me paraissent comme des hiéroglyphes.

Je pose la question pour connaitre les contours de ces codes mystérieux. Réponse : « 0040053 est le code ONC (office national du café) de Kawa Kabuya. 0006, qui vient après, correspond au lot actuel. CQ98/19 est le code du café congolais. Le CQ désigne le certificat de qualité. Pour faire complet et spécifier le café de Kawa Kabuya, cela donne le CQ98/19 342 ». Je ne peux qu’écarquiller les yeux devant ces explications ésotériques. Je crois maintenant connaitre la signification des codes. Pas vous ?

Paluku Tswanga, président du conseil d’administration de la coopérative Kawa Kabuya, arrive à moto, flanqué de Charline Mashika Kake, autre stagiaire au service communication de VECO RDCongo. Avec le directeur-gérant, le président planche déjà sur le prochain conteneur. Tswanga revient d’une visite des micro-stations de lavage et il fait part de son constat au directeur-gérant, assis derrière une table-bureau dans cet entrepôt où mes yeux s’arrêtent à une inscription : « Tout ce qui n’est pas classé est détruit, et tout ce qui n’est pas détruit est classé ». Sur le même papier, mais en contrebas : « Que l’ordre règne ! » Eh oui, la coopérative Kawa Kabuya, c’est aussi de l’ordre !

Ayant fini de m’émerveiller devant cette inscription étonnante, ma vue se rue aux manutentionnaires. Deux personnes soulèvent le sac de 60 kg et le déposent sur les épaules d’une troisième personne qui se charge de le transporter sur la trentaine de mètres séparant le conteneur du lieu de stockage. Ne vous étonnez pas : cela se fait à dos d’homme.

14 heures 40 minutes. Le dernier sac quitte l’entrepôt. Coincé entre les sacs et le conteneur, un manutentionnaire estampille les codes au dernier sac. Le carillon vient d’indiquer 15 heures, le moteur du véhicule vrombit… Courte interview vidéo avec le directeur-gérant de la coopérative Kawa Kabuya, Shakes Muyisa : « Ce deuxième conteneur est une marque de confiance qui s’enracine dans les relations d’affaires entre Colruyt et Kawa Kabuya. Nous espérons, à plus long terme, travailler avec Colruyt Group sur la certification de Kawa Kabuya ». Et comme on aime beaucoup le dire chez VECO RDCongo, « les paysans sont gagnants ». Que vive le « Graindor » ! Ce café du Nord-Kivu est torréfié en Belgique par Colruyt. Convenez avec moi, je pèse mes mots, que c’est du grain d’or…