La parole aux caféiculteurs du Nord-Kivu

La parole aux caféiculteurs du Nord-Kivu

28/12/2014

Dans le souci de participer à l’amélioration des conditions de vie des paysans producteurs de café et l’amélioration de la qualité du café produit par ces derniers, l’ONG VECO a dû mettre en œuvre un programme de sensibilisation et d’organisation des paysans en coopératives autour des micro-stations. Ce programme, alors qu’il n’est qu’à son début, est déjà apprécié par les paysans bénéficiaires. Suivons-en les témoignages de quelques paysans caféiculteurs rencontrés au cours d’une descente dans le territoire de Béni, Lubero et secteur Rwenzori.

Les micro-stations à l'oeuvre

« Depuis très longtemps, nous cultivons du café. Nous n’y gagnions presque pas d’argent. Ce sont les acheteurs qui en bénéficiaient à notre place. C’est pourquoi nous nous sommes organisés en coopératives pour améliorer la culture et le traitement du café en vue d’une bonne qualité afin d’avoir un bon rendement », témoigne Kamale Kiové Lwange, caféiculteur et membre de la micro-station de Bukununu.

En effet, VECO encadre au Nord-Kivu deux coopératives de café : « Kawa Kabuya » dans le territoire de Lubero, et « Kawa Kanzururu » dans le territoire de Béni et dans le secteur Ruwenzori. Ces coopératives regroupent 22 Micro-stations dont 13 dans le Lubero et 9 dans Béni et secteur Rwenzori.

« Une micro-station est une organisation d’environ 50 cultivateurs de café qui mettent ensemble leurs récoltes pour un bon traitement », raconte Paluku Tsanga de la micro-station Bukununu. Pour y arriver, il a fallu la sensibilisation de Veco. « VECO est venu nous sensibiliser pour nous inciter à nous organiser pour un bon rendement en travaillant ensemble. Ils nous ont promis un soutien, des machines et un bon marché », renchérit Lwanga. « Des lors, nous nous sommes organisés. Nous avons construit une micro-station. Nous y déposons toute notre récolte pour le traitement. Entre-temps, il nous faut un peu de sous pour survivre car le café est notre seule source financière. Veco nous donne une avance qui est de loin suffisante déjà », informe Kiové Lwanga. « Veco nous a fourni des outils tels que les machines, les dépulpeuses motorisées, les feuilles de plastique pour le toit, les filets d’ombrages, les treillis, etc. et nous leur disons sincèrement merci », congratule Paluku Twanga. « Pour y arriver, d’abord, chaque membre a dû contribuer 50$ qui nous ont permis de réaliser les premiers travaux », insiste Kiové Lwanga.

L'union fait la force

« Vus nos objectifs, qui sont d’atteindre une bonne qualité du café et participer au développement de nos milieux, nous sommes déterminés à aller de l’avant », dit fièrement Paluku Twanga. Et cela doit passer par une union dans le travail, comme le rappelle Kasereka Muherwa Gerlas dans un proverbe nande (Yira) « Omundu mughuma syalikolaya omunyu ewevupria (une seule personne ne peut pas faire arriver le sel chez les vapiri). La mort dans l’âme Kanyere Wangaherire Chantal se rappelle des souffrances du passé : « La vie était très difficile à cause non seulement de la mauvaise qualité du café mais aussi et surtout du mauvais traitement des acheteurs commerçants de l’Uganda et de Butembo. » Kavugho Génerose, 24 ans, élève à l’Institut Masiki, voit déjà un espoir dans l’avenir car c’est le café qui lui permet de payer ses frais de scolarité et subvenir à ses besoins de jeune fille. Même situation pour Katungu Mastaki Neema, 28 ans, étudiante de son état.

Des pierres aux machines

Le grand père Mughahirya Kisimbo Samuel recense le passé : « Né en 1940, avec mes parents qui sont encore en vie, je cultive le café depuis les années 60 au même endroit qu’aujourd’hui. Le café ne nous a jamais été bénéfique. Les fraudeurs de l’Ouganda et les commerçants de Butembo nous fixaient les prix à leur gré. Aujourd’hui la coopérative est une grâce. Et nous y plaçons tous nos espoirs. Nous espérons que nos enfants pourront aller à l’école, biens se vêtir et manger à leur faim. La main dans la main, cette coopérative va changer le cours de notre vie. » A Jorime de rappeler que : « avant la coopérative, nous utilisions des pierres pour dépulper le café, aujourd’hui, nous avons des machines. »

Tellement fiers

Il n’a pas été facile pour les sensibilisateurs de Veco de faire accepter leurs idées au sein de la population. « Quand les gens de Veco sont arrivés, nous avons d’abords été choqués car d’autres nous ont volé nos produits. Andy et son compagnon nous ont dit que cette coopérative sera différente. Après environs 2 ans de sensibilisation, nous avons commencé à construire. 3 mois de construction du dépôt et un mois pour le hangar », signale Jorime. « Aujourd’hui, nous sommes tellement fiers de la beauté de notre café traité. On dirait du soja », s’exclame joyeusement Kahambu Mayembe. Paluku Kyatsi Gilbert croit maintenant à la production non seulement d’une bonne quantité de café mais aussi à une bonne qualité par un bon traitement des champs.

Laurent Mbusa Kivenderye est parmi ceux qui sont de retour dans la culture du café : « J’avais déjà presque abandonné mes champs car je n’y gagnais rien. Ils nous disaient que le café arrivait à destination déjà pourri. Ainsi un kilo valait à peine une boite d’allumettes. »

Un avenir pour les jeunes et les femmes

Kavugho Muhasa de la coopérative Kawa Kanzururu à Kavalia lance un appel vibrant à toutes les mamans de se mobiliser dans le travail quotidien du café pour un rendement meilleur. Kavugho Kahira exprime ses rêves : « Je vais construire une maison et faire étudier mes enfants. Car mon mari gaspille le peu d’argent qu’on trouve. Déjà avec l’argent que nous avons touché cette saison, nous croyons que la vie ira mieux. » Elle émet le vœu de bénéficier de nouvelles semences car elle vient de finir de payer la dette de son nouveau champ. Joseph Muhindo Muyiria, un jeune de 19 ans fait appel à tous les jeunes comme lui pour travailler le café car le café de demain appartient à la jeunesse. A Tembo Musonge Samson de rappeler que : « Nos grands-parents ont cultivé le café. Nous devons en assurer la continuité car avec la coopérative tout va changer. »

Plusieurs coopératives sont arrivées avant. Il n’y a pas eu d’intérêt mais avec celle appuyée par Veco il y a une nette différence par l’apport de matériel et de l’argent. » Kakule Mangeso, un jeune de 12 ans, interpelle ses pairs : « Si tu es jeune et que tu n’as pas encore planté le café, plantes-en au minimum 1000 pieds pour ton avenir scolaire, la dot et la vie. Sans oublier que les micro-stations ont besoin du sang jeune. »

Rien ne sera plus comme avant

Kakule Kasisa Faustin de Mwenda émet le vœu de voir le marché du café régulé et cela à travers les micro-stations. Surtout qu’il croit que demain les jeunes le prendront pour modèle. En mémoire du passé, Kule Angelus Nzembule rappelle qu’avant on cueillait même les cerises de café verte, non mûres. On les séchait au soleil pour les décortiquer ensuite par le battage avec des morceaux de bois dans les sacs. Mêmes les doigts travaillaient, ce qui causait des blessures. Aujourd’hui on ne cueille que le café mur.

On l’amène à la micro-station. On pèse le poids. On le met dans l’eau. Les cerises qui flottent, on les enlève, puis on vous paye cash. Et ensuite on donne un traitement de qualité au café pour obtenir un meilleur prix à la vente. Ce qui justifie pour Kakule Kameso Albert une adhésion massive.

Par Mundeke Kabuo Huguette, Stagiaire